Voir toutes les photos pour plus de renseignement. Un texte modifié dans le style Marcel Pagnol pour l'ambiance de cette pièces :
Mon père posa le fusil sur la table de la cuisine comme on dépose un violon précieux. La lumière du matin glissait le long des canons bleutés, et je crus voir passer, dans ce reflet, une promesse d’aventure et de gloire. Jusqu’alors, les armes n’avaient été pour moi que des objets lointains, accrochés chez les voisins chasseurs ou racontés par les anciens. Mais celui-ci appartenait à mon père, à ce maître d’école qui maniait plus volontiers la craie que la poudre, et cela suffisait pour en faire une merveille.
Il passa le doigt sur la bascule, avec un geste lent, presque tendre, comme si le fusil avait une âme qu’il ne fallait pas brusquer. Puis il le prit par la crosse et l’éleva devant la fenêtre. Le soleil éclata en petits diamants sur l’acier poli, et le cœur me battit — car, pour la première fois, je découvrais que mon père pouvait être autre chose qu’un savant : il devenait un homme des collines, un compagnon des perdrix rouges et des parfums de thym.
« Ce n’est pas une arme de guerre, tu sais », me dit-il doucement. « C’est un outil. Un outil pour marcher dans la garrigue et écouter le vent. »
Je hochai la tête, mais je savais bien que pour moi, ce fusil serait toujours davantage : il serait le sceptre d’un roi discret, celui de mon père, lorsqu’il quittait l’école pour rejoindre les montagnes où chantent les cigales.
Il referma l’étui avec précaution, et l’odeur de graisse fine, mêlée à celle du bois ciré, resta dans l’air. Elle me suivit longtemps, comme le parfum secret d’un héros que l’on admire avant même qu’il ne parte conquérir son royaume.
