Rapide historique de ce vénérable centenaire.
Cent vingt ans en 2025, on peut dire sans le vexer, que ce calibre n’est plus un perdreau de l’année. C’est en 1905 que l’armurier Berlinois Otto Bock a inventé la munition de 9,3x62. Son cahier des charges était plutôt simple : créer un calibre permettant d’armer les colons en pleine extension de l’empire Allemand en Afrique. Ces derniers devaient pouvoir se défendre contre les fauves, remplir leur gamelle de viande de brousse le tout avec une arme au coût contenu.
A cette époque l’empire fabriquait en quantités important le fameux et indestructible boitier Mauser 98. Otto Bock a donc créé le 9,3x62 de manière à ce qu’il soit utilisable dans un boitier standard avec de très faibles ajustements et sans nuire à sa fiabilité. Même si son pouvoir d’arrêt n’est pas comparable aux gros calibres des express anglais, il reste suffisant pour chasser les animaux non dangereux et se défendre en cas de besoin.
Beaucoup de carabines chambrées en 9,3x62 sont revenues avec leurs propriétaires suite à la chute de l’empire colonial. Passer du phacochère au sanglier ne lui a posé aucun problème on peut même dire qu’il excelle en la matière. Si en Afrique il était considéré comme la limite basse face aux fauves, en Europe son recul gérable par n’importe quel chasseur couplé à un pouvoir d’arrêt important en fait rapidement une star de la battue !
Un poids lourd de plus en plus light !
A l’origine le 9,3x62 se devait d’envoyer des balles lourdes profilées comme des parpaings. Il n’a donc pas été pensé pour se frotter aux tirs à moyenne ou longue distance mais plutôt pour être utilisé à courte distance avec des armes non équipées d’optiques. Tout le monde connait un ami ne jurant que par les bonnes vieilles Tmantel de 18 grammes ou des TUG (UNI Classic) de 19 grammes. L’évolution des poudres et des ogives a lentement vu le 9,3 se métamorphoser. L’arrivée des balles monométallique de 16 grammes avec un recul plus contenu a été une petite révolution et entamé la cure d’amaigrissement du vieux calibre Allemand. On peut trouver de nos jours des munitions manufacturées d’un poids allant de 10,0 à 21,1 grammes ! Terminé l’aérodynamique d’armoire normande, bonjour l’arrière boat-tail et la coiffe balistique, le 9,3x62 version 2.0 est dans la place et prêt à conquérir bien plus que vos tirs de battue !
Un avantage non négligeable des calibres 9,3mm c’est qu’ils sont peu nombreux. De nos jours on peut même dire qu’il ne reste que le 9,3x62 le 9,3X74R et le 9,3x64, les 9,3x72R et autres 9,3x57R sont anecdotiques. Ça veut dire que si un fabricant décide de développer une ogive de 9,3mm il se base sur les caractéristiques des calibres pouvant le tirer, ici elles restent plutôt similaires. A contrario quand un développement est fait pour une ogive de .308 elle peut être montée du 300 BLK au 30-378 Weatherby et niveau vitesses on ne joue pas dans la même cour !
Le 9.3x62 est le calibre de mes débuts, j’ai commencé à chasser avec une R93 Off Road canon de 51cm avec hausse et guidon version recherche, une Zeiss 1.5-6x42 et un aimpoint 9000SC 4MOA. A cette époque je n’avais que cette arme avec laquelle je chassais aussi bien à l’affût et à l’approche qu’en battue, aussi bien au poste que dans la traque. Ça fait donc 22 saisons que j’utilise plutôt intensivement ce calibre. Au fil des années j’ai peu ou prou essayer toutes les munitions disponibles sur le marché. Je vais donc vous détailler mon retour d’expérience sur différents chargements.
Les trois ogives lourdes qui ont fait la renommée du calibre
Un calibre ancien a forcément été pensé pour utiliser les ogives disponibles à l’époque. Au début du vingtième siècle on tirait essentiellement des munitions lourdes et lentes. Ce choix permettait d’assurer une pénétration profonde et une expansion suffisante. Comme le dit si bien l’adage ‘’c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs confitures’’ nous allons commencer le tour des choix disponibles en 9,3x62 avec des ogives d’un autre siècle ayant fait depuis longtemps leurs preuves sur le terrain.
Brenneke TUG / RWS UNI Classic
Comment aborder le 9,3x62 sans parler de la Torpille Universal Geschoss (TUG), ou en bon français l’Ogive universelle en forme de torpille inventée il y a 90 ans par Wilhelm Brenneke ? En 9,3 elle fait 19 grammes, hormis un modèle de Norma Oryx, difficile de trouver plus lourd dans la catégorie des ogives en 9,3. Sa conception est basée sur une ogive en deux parties, l’avant plus molle permet une déformation et donc un champignonage, l’arrière plus dur a pour but d’assurer la pénétration et rajoutez à ça un rebord tranchant dans la chemise qui permet de poinçonner le cuir des animaux et de laisser des indices à l’anschuss. Si la théorie est alléchante, dans les faits, pour ce calibre, c’est plus compliqué ! Sur les petits animaux, aussi bien chevreuils que sangliers et pour des atteintes dans les zones à faible résistance (abdomen, espace intercostal, etc…) l’ogive a du mal à travailler, elle est trop dure et la vitesse d’impact réduite ne lui permet pas de se déformer suffisamment. Par contre, pour des animaux lourds, ou des atteintes sur de gros os, la TUG (UNI Classic) fait le job sans pour autant mettre à mal la venaison. Son aérodynamique d’un autre siècle et son poids élevé limite sa portée effective. Même si elle est généralement très précise, la vitesse d’impact réduite en cas de tir à longue distance va encore plus limiter les possibilités de travail de la balle.
Sako Hammerhead
Quand on aime les parpaings volants, on adore la Sako Hammerhead ! Cette balle à noyau soudé a été inventée en Finlande pour une utilisation sur des animaux lourds tels que l’élan et l’ours. Dans ce pays on chasse généralement dans d’immenses forêts ou les tirs à plus de 120m ne représentent qu’une proportion anecdotique des situations de chasse. Par contre il n’est pas rare que votre projectile rencontre quelques branches avant d’atteindre sa cible. On est quand même assez proche de ce qui se passe chez nous en battue ! De plus le 9,3x62 est régulièrement utilisé dans ces contrées du Nord. Vous me voyez venir ? Hé oui cette Hammerhead fait des merveilles en 9,3x62 et porte bien son nom de ’’Marteau’’. Là aussi ce poids lourd de 18grammes n’est pas le meilleur choix si vos tirs doivent s’allonger, mais sa surface frontale importante lui permet d’initier l’expansion même sur de petits animaux et sur les tirs mal ajustés.
Si comme moi vous chassez beaucoup en plaine, il n’est pas rare qu’un peu de végétation masque en partie l’animal (hautes herbes, blé, reste de cannes de colza etc…). Même s’il est proscrit de tirer sur un animal non identifier, il est possible que vous l’ayez identifié mais qu’au tir il soit légèrement masqué, pour ce genre de situation la hammerhead est excellente ! Elle ne dévie pas ou très peu et surtout n’expanse pas ou presque dans la végétation. Je l’ai même utilisée en Afrique sur des antilopes ou le résultat ne m’a jamais déçu !

RWS T Mantel / GECO T Mantel:
Dans la famille des basiques qui fonctionnent je demande la mère, ou plutôt la grand-mère ! La bonne vieille T Mantel avec son énorme pointe plomb a surement fait rouler plus de sangliers et grands cervidés que toutes les monométalliques réunies et est encore apte à le faire pour des décennies. Ici pas de chichi de conception, une chemise, un noyau de plomb, beaucoup de plomb même parce qu’elle affichait à l’époque 18 grammes chez RWS. Aujourd’hui elle est encartouchée par GECO et a perdu 2 grammes sur la balance sans pour autant avoir perdu en efficacité, par contre cette petite cure d’amaigrissement est significative pour l’épaule du tireur. C’est la seule munition décrite ici que je n’ai pas testé sur le terrain, par contre nombre de chasseurs que je connais l’utilisaient et l’utilisent encore avec des résultats toujours aussi concluants. On peut lui reprocher un comportement parfois aléatoire à très courte distance du fait de son manque de cohésion, mais au final rare sont les sangliers à se relever pour s’en plaindre !
Les trois ogives monométalliques toujours d’actualité :
Arrivées sur le marché à une époque où les considérations écologiques liées à l’utilisation de munitions sans plomb n’étaient que de lointaines rumeurs, les ogives détaillées ci-dessous ont bousculé les codes et fait évoluer notre bon vieux 9,3x62 en lui enlevant son petit embonpoint ce qui lui a permis d’être plus docile et de gagner quelques précieux mètres par seconde.
Sauvestre FIP Battue
C’est la première ogive sans plomb à être passé par le canon de ma R93, à l’époque le packaging ne contenait que 16 munitions rangées par quatre dans de petites sous boites en carton, depuis la marque est passé à quelque chose de plus standard et vend des boites de vingt. Son origine, son fonctionnement, son profil et même son nom annoncent la couleur. Cette munition de 16,25 grammes a été développé spécialement pour nos battues Gauloises. Je l’ai utilisée pendant plusieurs saisons et elle ne m’a jamais fait faux bond. Même lors de chasses silencieuses à des distances avoisinant sa DRO (146m) elle a toujours fait son travail en ménageant la venaison.

Barnes X et descendantes
Arrivée d’outre atlantique, cette ogive monométallique a été une petite révolution pour les fanatiques du 9,3x62. Elle était chargée par SAKO sous la dénomination ‘’Powerhead’’, elle ne pesait que 16,2 grammes, préservait de fait l’épaule du tireur et surtout, ne faisait pas d’éclats. Beaucoup de conducteurs de chiens de rouge, de traqueurs et autres postés se sont tournés rapidement vers cette nouvelle venue. Son efficacité sur le gibier était égale voir supérieure à tout ce qu’on pouvait trouver à l’époque sur le marché. Plusieurs générations de Barnes se sont succédées, elles ont toutes apporté des évolutions plus ou moins significatives. A ce jour il est plutôt compliqué d’en trouver, surtout en calibre 9,3. Par contre la marque finlandaise SAKO a mis au point une ogive aux principes de base similaires, la BLADE. Elle affiche 14,9 grammes en 9,2x62 et n’a rien à envier à sa cousine américaine. C’est d’ailleurs la prochaine ogive que je vais passer en test intensif durant la saison.

Sologne GPA
Elle existe en deux poids, 11,9 et 15,4 grammes. Le premier choix vous assure des vitesses importantes avec un recul plus réduit. Rajoutez encore un bon modérateur de son sur votre arme et voilà votre 9,3 douce comme un agneau et un régal pour votre épaule. Pour la battue ce poids réduit et les vitesses importantes diminuent l’avance à donner lors de vos swings, le recul est limité et vous pouvez donc doubler plus rapidement, ou du moins, voir la réaction de votre gibier à l’impact. Le second choix est plus conventionnel et aussi plus passe partout. Malgré son profil d’armoire normande, la GPA de 15,4 grammes pourra vous accompagner dans vos chasses nécessitant des tirs allants jusqu’à 200m. J’ai utilisé la 11,9 grammes avec beaucoup de satisfaction, elle transforme le 9,3x62 en un calibre plus que docile tout en conservant son pouvoir d’arrêt légendaire.

Les trois ogives du 9.3x62 version 2.0
L’évolution ne passe pas forcément par l’abandon du plomb. Certains fabricants de munitions ont vu le potentiel de notre calibre et décidé de lui donner une nouvelle jeunesse en le dotant d’ogives profilées plus légères capables de le faire sortir de sa zone de confort originelle le limitant aux courtes et moyennes distances.
GECO Express
On pourrait vulgariser cette ogive en disant que c’est l’évolution de notre bonne vieille T-Mantel qui serait passé à la salle de sport. Quelques grammes de moins (16,5 grammes), une ligne plus affutée et une coiffe balistique rouge pour améliorer son coefficient balistique et initier son expansion, la GECO express respire la modernité. De ma vie de chasseurs, les pistes de sang les plus impressionnantes que j’ai observé provenaient de sangliers touchés par des GECO Express de 9,3x62. Touché aux poumons l’hémorragie était telle que le sang projeté sur les blés faisait noircir la culture quelques jours après ! Le pouvoir d’arrêt est impressionnant même à des distances dépassant les 200m, par contre elle ne ménage pas la venaison. L’hématome est conséquent, et si vous touchez un gros os ça ne pardonne pas. En battue elle fait également le travail, même si la pénétration peut être limité et qu’elle est légèrement plus sensible que son aïeule au passage des petites branches et autres types de végétation.

Norma Oryx Silencer
Si l’ogive ORYX n’est de loin pas une nouveauté, c’est ici le chargement ‘’Silencer’’ qui est intéressant et apporte un nouveau souffle au 9,3x62. En effet le nouveau type de poudre utilisé permet de compenser la perte de vitesse due à l’utilisation d’un canon court souvent privilégié lorsque l’on monte un modérateur de son. Cette poudre plus vive propulse d’un canon de 51 cm la lourde ORYX 18,5 grammes à des vitesse comparable à ce qu’un chargement standard fait dans un canon de 66cm ! Sur le terrain l’efficacité de l’ORYX n’est plus à démontrer, précision, pénétration, pouvoir d’arrêt et préservation de la venaison en font une valeur sûre du fabricant norvégien. Même si sa courbe balistique est pénalisée par un poids assez élevé, ce chargement est largement utilisable au-dessus des 200m, il faut juste savoir utiliser sa tourelle balistique ou, compenser la chute du projectile là ou cet accessoire est interdit.

Hornady ECX
Je vous ai gardé ma préférée pour la fin ! Hornady a développé une ogive monométallique spécifique et optimisée pour le marché Européen, la ECX. En 9,3x62 c’est le poids de 250 grains soit 16,2 grammes qui a été retenu. Cette ogive fabriquée 100% en tombac possède un large méplat coiffé d’une calotte en polymère rouge ayant comme but d’initier rapidement l’expansion. Qui dit large méplat dit trou d’entré conséquent et donc plus d’indices probables à l’anschuss ! C’est valable pour tous les calibres tirant cette ogive, mais c’est d’autant plus significatif pour le 9,3x62 possédant un diamètre conséquent. Son profil est pour ainsi dire hybride, ni trop effilé ni trop mastoc, l’ECX fait dans le compromis. La précision est généralement au rendez quel que soit la marque de votre arme. Les vitesses sont plutôt élevées, comme souvent chez le fabricant américain. Que ce soit à l’affût ou en battue, de 1 à 250m sur sanglier, chevreuil ou cervidés, j’ai utilisé cette ogive depuis sa sortie sur un nombre conséquent d’animaux et avec des résultats au-delà de mes espérances et de tout ce que j’ai eu au préalable avec ce calibre.

Conclusion
Je ne suis peut-être pas impartial lorsque je parle du 9,3x62, j’aime ce calibre, j’aime son histoire, son look, son efficacité, son coté pragmatique et passe partout. Oui je dis bien passe partout ! Combien de fois j’ai entendu des inepties à son sujet, des descriptions laissant croire qu’il a du mal à passer les 100m, que pour atteindre la DRO il faut plus être artilleur que chasseur etc… Au final il n’en est rien, ce calibre permet, en choisissant bien sa munition de chasser quasiment tous les gibiers dans tous les biotopes si l’on ne compte pas tirer à des distances transformant la chasse en une discipline de TLD sur cibles vivantes ou s’attaquer à des fauves nécessitant un calibre minimum plus élevé.