
Cette carabine à levier de sous-garde brésilienne entend concurrencer les Marlin (notamment la Marlin 1895 SBL) et autres carabines Henry sur le terrain des gros calibres, particulièrement sur le vaste marché américain. Orientée chasseur et tireur, cette action à levier de sous-garde allie le charme du Wild West, et de tout l’imaginaire qui l’accompagne, à des fonctionnalités contemporaines : acier inoxydable, crosse laminée, long rail pour toute sorte d’optiques. Une approche à la fois technique et traditionnelle à destination des passionnés de chasse du grand gibier et des tireurs sportifs.
Un calibre “historique” : le .45-70 Government
Le .45-70 Government (11,6×53mmR) abrégé en “45-70 GOVT” est un calibre légendaire né aux États-Unis en 1871 pour équiper le fusil Springfield Trapdoor modèle 1873, succédant alors au .50-70 Govt en usage dans l’armée américaine ; le 45-70 restera réglementaire jusqu’en 1892 et sera même adoptée, quoiqu’anecdotiquement dans certaines armées européennes au début du 20e siècle : France ou Russie, par exemple. Son curriculum vitæ réside en partie dans son nom. En effet, la cartouche d’origine contenait une balle de .45 pouces de diamètre et une charge de 70 grains de poudre noire, propulsant un projectile lourd, d’où le 45-70, le “Government” étant lié au fait de l’utilisation par les troupes du gouvernement des Etats-Unis.
Utilisé durant les guerres indiennes et par les chasseurs de bisons de la fin du 19ᵉ siècle, dans diverses carabines/fusils à bloc tombant ou à levier de l’époque (Sharps, Trapddor etc), cette munition connaît toujours un engouement profond aux États-Unis et chez certains passionnés de tir et de chasse des pays européens, tant pour sa puissance que pour la simplicité du rechargement.
Modernement chargée à la poudre sans fumée, une .45-70 peut expédier une balle de 300 à 405 grains entre 500 et 600 m/s, des vitesses “modestes” mais qui garantissent un choc redoutable de courte à moyenne distance grâce à ses lourds projectiles délivrant un maximum d’énergie sur la cible.

Crosse et devant
Laminate(d) (pour “laminé” ou “stratifié”) correspond à la fabrication de la crosse puisque cette dernière, à poignée demi-pistolet, et le devant de la Rossi R95 sont fabriqués en bois lamellé-collé de teinte grise ; le fabricant indique qu’il s’agirait de hêtre (provenance Allemagne) pour le bois. Ce laminé moderne, constitué de couches de bois collées, offre une excellente stabilité face aux variations de température et d’humidité, idéale pour une arme vouée à affronter les intempéries et des conditions difficiles le cas échéant.

On note la présence bienvenue de portants de grenadière pour installer une bretelle, ce qui facilite le transport en bandoulière lors de longues marches. Côté confort de tir, Rossi a muni la crosse d’un sabot en caoutchouc plutôt épais (2 cm d’épaisser minimale), en Soft Touch.


Pas de jeu, ni d’ajustements hasardeux entre le bois et le métal ; on a la sensation d’un produit solidement assemblé. Néanmois, vérifier le serrage des vis avant votre première sortie au stand ou après de longues cessions notamment avec des calibres “puissants”. Le quadrillage est en revanche absent sur le devant comme sur la poignée de crosse, les surfaces du lamellé sont simplement… lisses.

Boîtier de culasse
Le boîtier de culasse de la R95 est usiné en acier inoxydable et présente une finition inox poli assez brillante. Cette finition lisse et argentée, n’est pas des plus discrète mais les goûts et les couleurs... L’avantage de l’inox, c’est bien sûr sa résistance à la corrosion : la carabine est conçue pour braver la pluie, la boue ou la neige sans s’oxyder, en principe. On trouve un marquage Rossi, qui n’est pas des plus discret non plus, sur le flanc gauche du boitier.
Techniquement (et esthétiquement), Rossi a repris l’architecture éprouvée de la Marlin 336/1895 pour son boîtier, gage de robustesse. La fenêtre d'éjection est usinée sur le côté droit du boîtier. L’éjection s’effectue de façon latérale. L'extracteur est mieux conçu et plus puissant que sur la Marlin. La culasse est aussi différente avec une sécurité de fermeture considérablement améliorée.

La R95 Laminate est livrée d’origine avec un rail Picatinny couvrant le dessus du boîtier et une partie du canon (25 cm de longueur de rail). Il intègre à son extrémité arrière un œilleton de type Ghost Ring, dévissable. Un guidon à grain doré, sans tunnel de protection, complète les organes de visée ouvertes.

Sous le boîtier, on retrouve le grand levier (Big Loop) et le pontet solidaire. Le levier est entouré de paracorde noir. Ce détail à la mode n’est pas qu’esthétique : la paracorde procure une prise plus confortable. Elle évite le contact direct du métal contre la peau et amortit le choc du levier contre les doigts. La Big Loop est conçue pour faciliter le tir mains gantées.

Magasin
La R95 est pourvue d’un magasin tubulaire, d’une capacité de 5 coups en calibre .45-70 Government. On peut donc avoir 5 cartouches dans le tube, plus une dans la chambre (5+1) portant la capacité totale à six coups, suffisant pour la plupart des situations de chasse. Le chargement des cartouches s’effectue par la portière latérale sise sur le flanc droit du boîtier de culasse. De dimension généreuse, supérieure à celle des Marlin, elle possède un ressort ni trop dur ni trop lâche, ce qui facilite le remplissage du tube.

Canon
Le canon est d’une longueur de 46 cm avec un profil rond relativement épais. Ce profil un peu lourd a pour avantage de mieux “encaisser” la chaleur lors de tirs répétés. Le fabricant indique un pas de rayure de 1:12 pouces.
Rossi a prévu la possibilité de monter un modérateur de son (ou un frein de bouche) sur ce modèle, le canon étant fileté au pas de 5/8x24. Ce qui nous a permis de tester la carabine avec un modérateur de son A-SUB 5 (cal .458) de la marque norvégienne A-TEC.

Sécurité(s)
La Rossi R95 combine plusieurs dispositifs de sécurité traditionnels propres aux armes à levier de sous-garde.
Sécurité transversale/latérale : Rossi a intégré une sûreté manuelle traversante dans le boîtier. Il s’agit d’un bouton poussoir transversal situé à l’arrière du boîtier, juste devant le chien. En l’enfonçant (de la gauche vers la droite), on bloque le chien et on empêche la percussion – un repère rouge apparaît côté gauche lorsque la sûreté est désactivée (position FEU). Ce bouton de sûreté supplémentaire offre une sécurité d’emploi accrue, notamment pour les manipulations ou le déchargement : arme chargée, on peut verrouiller le percuteur manuellement. En action de chasse, on peut lui préférer la position à chien demi-armé. En effet, le chien possède un cran intermédiaire (Half Cock) qui ne permet pas de faire feu. Pour armer la carabine, il suffit de basculer le chien en arrière. Toutes ces opérations étant réalisables avec, en outre, la sécurité traversante enclenchée.

La R95 dispose une sécurité de fermeture conditionnée par la position du levier. Ce mécanisme empêche un tir accidentel si le levier n’est pas complètement en position haute, contre le boitier.

Départs
La queue de détente de notre exemplaire s’est révélée être une agréable surprise avec des départs très corrects et secs ; course infime ressentie avant que la détente ne cède en tir posé ; à bras franc (tir rapide) aucune course ressentie. Sur 10 relevés, nous arrivons à une moyenne de 2,1 Kg.

Au stand
Quatre types de munitions manufacturées en 300 grains (19,4g) ont été sélectionnées pour couvrir un éventail de chargements courants du .45-70 Government :
- Winchester Super X 300 gr JHP (balle semi-creuse à expansion rapide).
- Federal Power-Shok 300 gr Soft Point (balle à pointe molle traditionnelle).
- Federal Fusion 300 gr Bonded Soft Point (balle à noyau soudé).
- Sologne Klassic 300 gr Sierra HP (balle à pointe creuse Sierra Pro-Hunter).
Nous avons réalisé une première série de trois tirs par chargement, sur cible cœur de chevreuil, fixées à 40 m, appuyé sur chevalet, avec un point rouge Frenzy de marque Vector Optics et un modérateur de son A-TEC A-SUB5 spécialement conçu pour tirer des calibres comme le 45-70 Govt.
La meilleure précision a été obtenue avec les Winchester Super X, les trois balles sont trous dans trous ; heureusement la Go Pro était là pour vérifier que la troisième balle passe bien dans la cavité formée par les deux autres… Tous les autres chargements tiennent dans moins de 5 cm de dispersion. La Klassic Sologne a sans doute été la plus “confortable” offrant un recul plus doux que ses concurrentes.

Ensuite, nous avons effectué une deuxième série de trois tirs en visée ouverte sans modérateur de son. Les Federal Fusion se sont avérées être les plus précises, avec deux balles trou dans trou et une dispersion d’à peine 3 cm, malgré le recul le plus vif du lot. Les Federal Power Shok, au recul plus progressif mais néanmoins vif, offrent aussi un bon groupement. Le groupement des Klassic Sologne sur cette série ne leur rend pas justice car le tir a été effectué à une cadence rapide, pour vérifier la fiabilité d’alimentation : la R95 reste intraitable sur ce dernier point. Toutes ces munitions conviendront certainement à l’usage auquel on les destine avec cette carabine : la chasse pour des tirs à courte et moyenne portée, aux sangliers et cervidés notamment.

En tir à bras franc sur cible fixe à 25 m, La Rossi, une fois épaulée, ne glisse pas des mains au tir (temps sec), et le large levier permet de réarmer rapidement avec une fluidité remarquable. La poignée, quoique peu anguleuse, offre une prise en main ferme. Au niveau du recul ressenti, il est évident que le .45-70 Govt, même dans une carabine de 3,3 kg, produit un recul conséquent, mais tout à fait supportable pour un tireur aguerri. La prise de visée ouverte avec le Ghost Ring, s’effectue les deux yeux ouverts sans difficultés.
Dès les premiers cycles, nous avons été impressionnés par la douceur du mécanisme. L’action du levier est fluide et sans accroc, sans doute l’une des levier de sous garde les plus onctueuses que nous ayons manipulées. Les cartouches glissent sans effort du magasin vers la chambre et l’extraction des douilles se fait sans accrocs. Notre R95 a fonctionné à la perfection. Aucun incident d’alimentation ou d’éjection n’est venu perturber le tir, même en tirant rapidement : 53 coups en une bonne heure de séance de tir.
Pour finir, la portière de chargement ne comporte pas d'angles vifs : on ne s’entaille pas les doigts lorsqu’il faut remplir le tube magasin. Nous n’avons pas eu à forcer outre mesure pour enfoncer les cartouches dans le magasin. Rossi a eu la bonne idée d'ébavurer le contour de la portière, évitant ainsi de se blesser le pouce ou l’index lors de l’introduction des cartouches. Sur certaines carabines à levier de sous garde, la portière peut avoir des angles plus vifs rendant le chargement douloureux lors du tir d'un grand nombre de cartouches.
