Un peu d’histoire
C’est au cœur du conflit mondial, en 1943, que naît l’idée d’un fusil plus compact destiné aux unités britanniques opérant dans des environnements denses et hostiles, comme la jungle du théâtre pacifique. Le retour d’expérience des combats menés face à l’armée impériale japonaise avait mis en lumière les limites du Lee-Enfield No.4 Mk I dans de telles conditions : trop long, trop encombrant, et peu adapté aux engagements à courte portée.
Ainsi commence le développement du No.5 Mk I, connu officieusement sous le nom de “Jungle Carbine”. L’objectif est clair : alléger et raccourcir le célèbre fusil britannique tout en conservant la puissance de feu de la munition .303 British. Pour cela, les ingénieurs raccourcissent le canon, affinent la crosse, et effectuent un allègement ciblé en usinant certaines parties du boîtier de culasse, du levier d’armement et du canon. Le résultat est un fusil pesant près de 500 grammes de moins que son prédécesseur, bien plus maniable dans les zones de végétation dense.

Mais cette réduction de taille n’est pas sans conséquence. La munition .303 British n’avait jamais été conçue pour des canons aussi courts. Lors du tir, elle produit une importante flamme en sortie de bouche compromettant la discrétion du tireur surtout en conditions nocturnes. Pour y remédier, les ingénieurs ajoutent un imposant cache-flamme conique, aujourd’hui emblématique du modèle.

Après une phase de tests, l’arme est officiellement adoptée en septembre 1944 sous la désignation Rifle No.5 Mk I. Deux usines prennent en charge la production : Birmingham Small Arms (BSA) et la Royal Ordnance Factory (ROF). Environ 250 000 exemplaires seront produits jusqu’à l’arrêt des chaînes en 1947.

Les raisons de cette production limitée sont multiples. D’abord, la fin imminente du conflit réduit le besoin urgent d’un nouveau fusil. Ensuite, malgré sa maniabilité, le No.5 Mk I souffre de problèmes de précision, officiellement reconnus mais jamais véritablement corrigés (nous y reviendrons lors de l’essai). Enfin, le Royaume-Uni s’oriente rapidement vers une nouvelle doctrine d’armement, préférant le développement d’un fusil semi-automatique qui mènera à l’adoption du L1A1, la version britannique du FAL.
Malgré tout, la carrière du Jungle Carbine ne s’arrête pas avec la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le fusil reste en service dans plusieurs colonies britanniques notamment en Malaisie, où il est utilisé jusqu’aux années 1960 durant l’insurrection communiste.
Comment reconnaitre un véritable « Jungle »
Malheureusement pour les collectionneurs, de nombreux remontages existent et se font passer pour de véritable N°5 Mk.I. Voici quelques moyens pour vous faciliter l’identification de ces armes. Commençons par les marquages sur le côté gauche du boitier de culasse. Ils peuvent être difficiles à déchiffrer en fonction de la finition de l’arme mais les dates de fabrication doivent être comprises entre 1944 et 1947 et les arsenaux doivent être Royal Ordnance Factory (ROF) ou Birgmingham Small Arms (BSA).

Les organes de visée sont très similaires aux autres Lee Enfield mais l’œilleton est un peu plus large et la hausse est réglable uniquement jusqu’à 800 yards.
Pour réduire le poids de l’arme, de nombreuses parties du Enfield ont été alésées. La boule de levier d’armement doit être creuse. Si ce n’est pas le cas, la culasse a été sûrement remplacée.

Le boitier de culasse est aussi alésé à l’arrière des deux côtés.
Enfin, quand on retire la partie supérieure du garde-main, le canon doit également être usiné devant la chambre.

Au tir
Ce N°5 MkI est une arme bien équilibrée et plaisant à utiliser. L’alimentation se fait sans encombre, comme sur tous les Lee Enfield, et les organes de visée sont précis.
Le tir est assez agréable grâce à l’amortisseur derrière la crosse et le cache-flamme joue bien son rôle. L’expérience est bien plus plaisante que son homologue soviétique M44.
Sur le modèle essayé, la précision est correcte mais ces armes sont réputées pour leurs problèmes de précision. En effet, le Jungle Carbine a été victime du phénomène appelé Wandering Zero. Le point d’impact pouvait varier de manière aléatoire même lorsque les conditions de tir étaient identiques. Ce problème a rapidement été identifié. Dans un premier temps, on a cru que les pertes de précision provenaient de déformations de la crosse en bois. Cependant, des analyses plus poussées ont révélé que l’alésage du canon, notamment par son usinage pour réduire le poids, affectait la rigidité de l’ensemble. Cela perturbait l’interface avec la culasse, entraînant les problèmes de précision.
