
L'histoire
Avant de commencer l'histoire du fusil Japonais Type 38, il faut déjà comprendre le système de nommage de ces fusils. “Type 38” ne fait pas référence à l'année 1938 comme on aurait l'habitude de voir chez nous. Ici, le nombre 38 fait référence au 38ème année de règne de l'empereur Meiji, soit l'année 1905. Il en va de même pour les autres armes sauf que le système change sous l'empereur Hirohito en 1926, en prenant comme base le calendrier Japonais, différent du nôtre. Le successeur du fusil type 38 est le type 99, qui fait bien référence à l'année 2599 du calendrier nippon, soit 1939 pour nous. Il y aura donc une petite gymnastique à faire pour passer des années Japonaises à nos propres dates ! Mais pour résumer, le type 38 est sorti en 1905.

Si le Japon n'a pas participé aussi intensivement que les pays européens à la Première Guerre mondiale, le pays aura cependant connu la guerre russo-japonaise en 1904 et 1905. Durant ce conflit, le Japon utilisait le Type 30 (1897) et le Type 35 (1902) chambrés en 6,5x50mmSR (la CIP nomme la cartouche le 6,5x51mmR) et il s'avéra que ces armes présentaient quelques défauts. Le Type 35 a été conçu par le capitaine Kijiro Nambu et c'est lui qui sera au développement du Type 38. Dans le langage commun, tous les fusils Japonais sont nommés “Arisaka” par les collectionneurs, alors qu'en réalité, Nariakira Arisaka ne développe que le Type 30 et n'a rien à voir avec la conception des fusils suivants. Le nom de “Nambu” est utilisé pour désigner les pistolets Japonais Type 14 (1925) et Type 94 (1934), ce qui est correct, mais quasiment jamais pour désigner les fusils.

À cette époque, l'armée japonaise est en pleine croissance et Kijiro Nambu souhaite développer un fusil qui soit à la fois plus résistant et plus facile à fabriquer. Le démontage et l'entretien est, lui aussi, simplifié. Point intéressant, Nambu reprend le concept du couvre culasse intégré qui était déjà présent sur son Type 35, mais dans une version améliorée qui ne nécessite aucune manipulation et qui n'empêche pas l'usage de la culasse lors du tir. C'est un système qu'on retrouve sur les fusils Lebel ou Mauser chez nous durant la Première Guerre mondiale pour protéger les mécanismes. Car en effet durant la guerre Russo-Japonaise, les soldats avaient dû faire face à des tempêtes de sable qui rendaient impropre l'utilisation des autres fusils Type 30 qui n'étaient pas dotés d'un couvre culasse. L'idée sur le type 38 est d'équiper tous les fusils ainsi.

Le fusil Type 38 devient dès 1906 le fusil standard de l'infanterie Japonaise. Il chambre la même cartouche que ses prédécesseurs, le 6,5x51mmR. Cette cartouche évoluera en 1922 avec une balle pointue et une vélocité augmentée passant de 686 m/s à 762 m/s. Sa production continue jusqu'à la Seconde Guerre mondiale vers 1943 avant de céder petit à petit sa place à son successeur le Type 99 (1939). En fait, le Type 38 continuera à être largement utilisé durant la guerre du Pacifique face aux Springfield 1903, M1 Garand et USM1 américains, dénotant parfois d'une forme de retard technologique, alors qu'en réalité, le Type 38 est un fusil d'excellente facture et n'a pas souffert d'une production dégradée au fur et à mesure du conflit comme le Type 99 dont les versions “last ditch” ont aussitôt terni la réputation de tous les “arisaka” comme de fusils tout juste bon à tirer quelques cartouches avant d'être inutilisables… Le boîtier du Type 38 est peut-être l'un des plus résistants que l'on puisse trouver sur les fusils militaires de cette époque, d'autant que le tir du 6.5x51 développe une pression modérée. On notera la présence de deux trous d'évent sur le dessus du boîtier, pour sécuriser les ruptures d'étuis. De plus, sa culasse trouve son inspiration chez Mauser et est d'une solidité à toute épreuve. Son système est dérivé sur d'autres armes : le fusil de sniper Type 97, la carabine Type 44 et le fusil de parachutiste Type 2. Moins connu, le type 38 a aussi été vendu à l'export que ce soit pour le Mexique, la Russie et… la France ! 50 000 fusils Type 38 ont été commandés par la France au Japon en 1914. Mais les armes ont au dernier moment été envoyées à l'armée anglaise qui avait un besoin plus urgent d'équiper les troupes de l'arrière et libérer des SMLE pour les troupes sur le front. Les différents contrats d'export prouvent que le Type 38 est un fusil de qualité.

L'exemplaire présenté dans cet article n'est pas un vrai Type 38 100% Japonais. Du moins, il a bien été fabriqué au Japon dans l'arsenal de Nagoya en 1940, mais il fait partie d'une commande passée par le royaume de Thaïlande : cela se voit immédiatement par les petits cercles poinçonnés sur le chrysanthème impérial. La vraie dénomination de ce fusil est “Type 83”. Trouver un type 38 “japonais” en France est plus difficile, ainsi qu'avec le chrysanthème intact.
Néanmoins, les caractéristiques générales du fusil sont identiques : On retrouve ce vernis rougeâtre (urushi) sur la crosse qui donne une teinte unique, et son bois est monté en deux parties, pour solidifier l'ensemble car les bois japonais (hêtre, noyer ou katsura) sont plus fragiles que nos bois européens. Initialement, la hausse est un cran en V, mais l'arsenal de Nagoya préféra disposer ses fusils d'un œilleton. Le guidon a été amélioré avec des protections latérales. Le marquage sur le tonnerre se lit ainsi de haut en bas “3”, “8”, “Type/modèle”. Les chiffres 1 à 3 en japonais sont faciles à identifier car il s'agit de barres horizontales. Au-dessus est placé le chrysanthème impérial : c'est le symbole de la famille impériale japonaise et il est sacré pour le combattant japonais. La pose de ces petits cercles pour les versions thaïlandaise peut vouloir signifier que l'arme sortant du cadre militaire japonais, alors elle n'avait plus vocation à servir l'empereur.

Baïonnettes
Le Type 38 est équipé de la baïonnette Type 30 (1897). C'est la même baïonnette que l'on retrouve sur les fusils Type 30, Type 99 mais aussi les fusils-mitrailleurs Type 96 et pistolets-mitrailleurs Type 100 ! Oui, les Japonais avaient une “passion” pour les armes blanches et en ont disposé sur quasiment toutes leurs armes… Les baïonnettes étant aussi très utilisées lors des attaques suicides sur les îles du Pacifique.
Il s'agit d'une baïonnette d'excellente facture avec une lame de 40 cm. Sa forme générale nous fait penser à une baïonnette plus connue par chez nous : la 1907 Anglaise et pour cause, les Britanniques se sont inspirés de la type 30 !
Le collectionneur averti sera heureux d'apprendre qu'il existe un nombre incalculable de versions des baïonnettes type 30. Outre les différents marquages des fabricants, la qualité de fabrication de ces baïonnettes va commencer à décliner dans les années 30. Il faut se rappeler qu'à ce moment-là le Japon est déjà engagé dans un conflit en Chine et que la production de l'armement tourne à fond.
Cependant, pour pallier la demande ou au manque de certains matériaux, certains choix ont dû être fait pour simplifier la production avec une économie de guerre qui peine déjà au début des années 40, amenant ainsi à des modèles tardifs très particuliers avec un manque totale de finition, des poignées droites, l'absence de quillon et dans des cas extrêmes, un fourreau en bois ou bambou tenu par du fil de fer… Il est alors possible d'avoir une combinaison de tous ces éléments mélangés offrant de nombreuses variations, sans parler des goussets en cuir ou en toile.
- Modèle classique : la variante qu'on croisera le plus souvent, avec une belle lame polie, la présence du quillon et un fourreau en tôle.

- Modèle “Last ditch” : modèle tardif typique des dernières productions, mais paradoxalement plus difficile à trouver sur le marché. Poignée droite, absence de quillon, lame noire sans gouttière. Le fourreau de cet exemplaire est en bois.

Manipulations et démontage
Que le tireur français se rassure, le fusil type 38 se manipule comme n'importe quel autre fusil à verrou : si vous êtes familier du système Mauser, vous ne serez pas dépaysé. Toutefois, la culasse du type 38 s'arme à la fermeture et demande une certaine force. Le magasin contient 5 cartouches et est alimenté par clips (trouvables dans le commerce). L'imposant bouchon de culasse permet de mettre l'arme en sûreté : avec la paume de la main, vous poussez vers l'avant et tournez d'un quart de tour sur la gauche. Avec ses motifs si particuliers, le grip est très bon et l'opération se réalise aisément.

Le magasin se démonte facilement grâce à un bouton placé à l'avant intérieur du pontet. La culasse se retire du boîtier par le même système que sur un fusil Mauser, avec ce clapet sur le côté gauche. Enfin, accéder au percuteur et à son ressort est très facile puisqu'il suffit de faire tourner le bouchon de culasse : c'est peut-être une des culasses les plus faciles à démonter sur les fusils militaires de la Première et de la Seconde Guerre mondiale !

Au stand
La première étape pour faire parler votre Type 38 sera celui de trouver des munitions. À notre connaissance, il n'existe pas d'offres sur le marché pour le 6.5x51mmR Arisaka. Pour autant, tous les éléments existent dans le commerce pour le rechargement. PPU propose des étuis, et pour les balles en .264 le choix est libre (PPU, Hornady, Lapua…). Pour la poudre, N140 ou N150 sont des possibilités, à vous ensuite de faire vos propres charges et de trouver la bonne recette adaptée à votre arme. Enfin, les outils LEE sont parfaitement adaptés et faciles à trouver.

Le fusil Type 38 est une arme élégante, mais très longue sur le pas de tir. La présence d'une poignée pistolet sur la crosse est un vrai plus. La culasse manque par contre de fluidité et demande un peu de force pour la verrouiller. Il ne faut pas hésiter à la manipuler vigoureusement, car nous avons parfois rencontré des cartouches qui s'insèrent mal dans la chambre. La détente est relativement classique sur ce type d'arme : course sans effort pour arriver directement sur un point dur assez imposant, et le coup part directement.

Sur l'exemplaire essayé, les organes de visée sont du second type avec un œilleton. Ils sont très aisés à utiliser, surtout pour une acquisition rapide d'une cible façon “combat”. Néanmoins, la hausse commence à 300m, donc pour tirer sur une C50 à 100m il nous a fallu prendre un point de repère en bas de carton, moins évident pour se caler. Ensuite les résultats nous ont laissé assez perplexes… Des “flyers” inexpliqués ont mis à mal le groupement sur 20 cartouches : l'exemplaire essayé souffrirait-il d'une mauvaise mise en bois ou ne supporterait pas la chauffe du canon ? Difficile de juger sur une seule séance et un seul exemplaire, quand un de nos collègues tireur du sud de la France nous présentait des cartons à 200m fort honorables !
