
Histoire
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la France se lance dans un ambitieux programme de modernisation de son armement léger. Durant les décennies 1950 et 1960, les armées françaises testent les armes en service à l'étranger, qu'il s'agisse du fusil d'assaut soviétique Kalachnikov, du M16 américain, du FAL belge ou encore du G3 allemand. L'objectif est clair : tirer les leçons des meilleures technologies disponibles afin de concevoir une arme nationale capable de répondre aux exigences d'un conflit moderne.
À la tête de ce projet, un homme joue un rôle déterminant : Paul Tellié, ingénieur en chef à la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne (MAS). Dès les années 1960, il travaille sur plusieurs prototypes de fusils d'assaut. Certains modèles reprennent une configuration classique avec emprunt de gaz, d'autres adoptent une conception plus novatrice : le système bullpup, qui permet de gagner en compacité sans sacrifier la longueur du canon. Le choix de la munition est encore ouvert, mais Tellié, au cours d'un voyage aux États-Unis, rencontre Eugene Stoner, concepteur du M16. Tous deux s'accordent sur le fait que l'avenir réside dans les munitions intermédiaires, et non dans les puissantes mais lourdes cartouches comme 7,62x51 mm OTAN. C'est ainsi que le 5,56x45mm commence à s'imposer comme standard.

En 1968, les travaux de Tellié débouchent sur la création de deux prototypes qui sont testés le 13 janvier 1969. En 1973, l'état-major de l'armée de Terre organise une évaluation comparative entre ces prototypes de la MAS, le Heckler & Koch HK33 et la Carabine Automatique Légère (CAL) de FN Herstal. Ces essais techniques sont accompagnés d'importants enjeux diplomatiques : à cette époque, la Belgique envisage l'achat d'avions de chasse. Si Bruxelles choisissait des Mirage F1 français, Paris pourrait en retour adopter l'arme belge, conformément à une logique de compensation économique.
Cependant en 1975, la Belgique porte finalement son choix sur les F-16 américains. En réaction, le ministre français de la Défense, Yvon Bourges, tranche : le nouveau fusil d'assaut des forces françaises sera de conception nationale. Cette décision politique donne un coup d'accélérateur au programme de Tellié.

Le développement entre alors dans sa phase finale. Plusieurs modifications sont apportées : amélioration de la fiabilité, ajustement du nombre de rayures dans le canon, introduction d'un limiteur de rafale — fonctionnalité non prévue initialement — ou encore refonte de l'ergonomie générale. Après une série de tests, le Fusil d'Assaut de la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne, plus connu sous l'acronyme FAMAS, est officiellement adopté en mai 1977.
La production de masse débute en juillet 1979 et le FAMAS équipe rapidement les forces françaises. Entre 1979 et 1992, plus de 350 000 exemplaires sont produits, ce qui en fait l'un des fusils d'assaut les plus emblématiques de l'arsenal français.

Un FAMAS pour la Marine Nationale
À la fin des années 1980, la Marine nationale émet le souhait de se doter de 10 000 fusils d'assaut modernisés mieux adaptés aux standards de l'OTAN. Pour répondre à cette demande, le GIAT (Groupement Industriel des Armements Terrestres) s'appuie sur un projet développé initialement pour l'export : le FAMAS G1.
Ce modèle G1 visait à réduire les coûts de production de près de 30 % en simplifiant certains aspects de l'arme. On supprime les alidades pour le tir de grenades à fusil, les organes de visée nocturne, le bipied ou encore le limiteur de rafale. Le pontet est redessiné pour faciliter l'utilisation avec des gants et la carcasse, autrefois en fibre de verre, est désormais moulée en polymère. Ce modèle devait à l'origine être commercialisé par FN Herstal, mais ne trouvera finalement aucun débouché à l'étranger.

Le G1 ne sera toutefois pas un projet vain. Il sert de base à la conception du FAMAS G2, modèle spécifiquement développé pour équiper la Marine nationale. À la différence du G1, le G2 réintègre l'ensemble des fonctionnalités du F1 tout en adoptant un puits de chargeur compatible avec les chargeurs OTAN (plus précisément ceux du FN FNC, compatibles avec les M16).
Les premières livraisons débutent en 1995. Si la majorité des G2 sont de taille standard, quelques versions courtes ont également été produites à Saint-Étienne. Des variantes destinées à l'exportation, dépourvues de bipied et de système de tir de grenade, existent aussi, mais elles demeurent extrêmement rares. Dans les faits, la quasi-totalité des FAMAS G2 ont été conçus pour les forces navales françaises.

Les G2 occupent une place particulière dans l'histoire de l'armement français : ce sont les derniers fusils produits par la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne avant sa fermeture définitive en 2001. Bien que cette version ait permis une évolution logique du FAMAS vers les standards internationaux, la plateforme montrait déjà ses limites en matière de modularité face aux nouvelles générations d'armes plus polyvalentes.

Le FAMAS Valorisé
Le développement du FAMAS remonte à la fin des années 1960, et son adoption officielle par l'armée française intervient en mai 1977. Mais, à mesure que les technologies militaires évoluent — notamment avec l'arrivée des viseurs point rouge, des lunettes de tir, des lasers et des systèmes de montage comme les rails Picatinny — il devient impératif d'adapter le fusil d'assaut national à ces nouveaux standards.
Une première tentative de modernisation voit le jour avec l'introduction de la PGMP (Poignée Garde-Main Polyvalente), un accessoire permettant d'installer des équipements additionnels via un rail Picatinny sans altérer en profondeur l'arme d'origine. Toutefois, c'est le programme FELIN (Fantassin à Équipements et Liaisons Intégrés) qui va vraiment initier une transformation plus poussée du FAMAS.
Lancé en 1995, le programme FELIN vise à révolutionner l'infanterie française en améliorant les capacités de communication, d'observation, de mobilité, de protection et de létalité du soldat. Pour cela, un ensemble complet d'équipements est développé, parmi lesquels une lunette multifonction jour/nuit de grande taille, ainsi qu'une poignée électronique située à l'avant du fusil, destinée à piloter les systèmes intégrés.
Afin d'accueillir ces nouveaux éléments, le FAMAS subit d'importantes modifications. Toute la partie supérieure de l'arme est redessinée : le levier d'armement est déplacé pour laisser la place à un rail Picatinny, les organes de visée sont revus, et le montage du bipied est repoussé vers l'arrière. Les pieds du bipied sont d'ailleurs recourbés afin de ne pas gêner l'éjection des étuis. La partie inférieure est adaptée pour accueillir la seconde poignée de commande.
Ces modifications donnent naissance au FAMAS FELIN, une version spécifiquement conçue pour être intégrée au système global du programme.
Toutefois, ce FAMAS FELIN ne pourra pas être généralisé, ce qui amène à une solution intermédiaire : le FAMAS Valorisé.
Ce FAMAS Valorisé reprend la partie supérieure du Félin, avec son rail Picatinny et son ergonomie revue, mais conserve la partie inférieure du F1 classique. Il en résulte une arme modernisée, mieux adaptée à l'emploi de dispositifs optiques, de lasers et d'accessoires modernes, tout en restant compatible avec les anciens fusils d'assaut.
Cette évolution permet de prolonger la vie opérationnelle du FAMAS au sein des forces françaises, notamment en assurant la transition en douceur vers son successeur, le HK416F, aujourd'hui en cours de généralisation.
Mécanisme
Sous son apparence singulière, le FAMAS dissimule un mécanisme aussi original qu'efficace. Contrairement à de nombreux fusils d'assaut contemporains utilisant un emprunt de gaz, le fusil français repose sur un système à culasse non calée à levier amplificateur d'inertie.
En position de tir, la culasse et le porte-culasse sont en avant, avec une cartouche chambrée. Lorsque le tireur presse la queue de détente, le marteau est libéré et frappe le percuteur, qui vient percuter l'amorce de la cartouche, déclenchant ainsi le tir.
L'énergie générée par la détonation exerce alors une poussée sur la culasse et le porte-culasse, les faisant reculer. Toutefois, l'ouverture est retardée par un levier amplificateur, sur lequel le porte-culasse doit d'abord exercer une pression. Ce n'est que lorsque ce levier pivote que le recul de l'ensemble mobile est autorisé.
La culasse recule alors complètement, extrait et éjecte l'étui vide.
Ce mécanisme présente plusieurs atouts majeurs :
- - Simplicité mécanique : le FAMAS ne nécessite ni piston, ni évent de gaz percé dans le canon.
- - Canon flottant : l'absence de système d'emprunt de gaz permet de libérer le canon de tout contact mécanique, améliorant théoriquement la précision.
- - Équilibre optimisé : le système contribue à une bonne répartition des masses vers l'arrière, ce qui est favorable pour une arme au format bullpup.
- - Facilité d'emploi avec des grenades à fusil : sans système de coupure de gaz, le tir de grenades ne nécessite aucun ajustement particulier, simplifiant l'usage.
Ce choix technique s'accompagne cependant de quelques inconvénients :
- - Pression résiduelle importante : même si le levier retarde l'ouverture, la pression dans la chambre reste plus élevée qu'avec un système à gaz traditionnel. Cela entraîne une éjection violente des étuis.
- - Chambre cannelée indispensable : pour faciliter l'extraction malgré la pression élevée, le canon est doté de cannelures, comme sur le G3.
- - Cadence de tir élevée : la forte vélocité de la culasse entraîne une cadence d'environ 1 000 coups/minute, plus rapide que la moyenne. Un avantage en combat rapproché, mais qui augmente l'usure et le stress mécanique de l'arme.

Quelques prototypes
FAMAS Commando
Le développement du FAMAS Commando ne répondait pas à une demande spécifique de l'armée française, mais visait plutôt l'exportation. Ce modèle repose sur le FAMAS G2, reconnaissable à sa large arcade de pontet et à sa compatibilité avec les chargeurs STANAG.
L'idée était de réduire au maximum la taille de l'arme pour créer une version ultra-compacte. Pour ce faire, le canon a été raccourci à 28 centimètres, entraînant également la réduction du garde-main. Le résultat est un fusil d'assaut mesurant à peine 49 centimètres de long, soit un gabarit similaire à celui d'un FN P90. Plusieurs prototypes ont été développés, avec des variations au niveau du pontet, des organes de visée ou encore du garde-main.
Naturellement, cette compacité a ses contreparties : il devient impossible d'utiliser des grenades à fusil, et le bipied emblématique du FAMAS disparaît. L'arme conserve toutefois la majorité des commandes du modèle standard, comme le sélecteur de tir situé devant la queue de détente et le limiteur de rafale positionné à l'arrière.
Le Commando adopte un bouton d'éjection à droite, propre aux modèles compatibles STANAG. Certaines configurations testées incluaient un garde-main standard ou une poignée verticale intégrée.
Malgré ses qualités ergonomiques et sa maniabilité extrême, le FAMAS Commando n'a jamais dépassé le stade de prototype et n'a jamais été commercialisé à grande échelle. Il reste aujourd'hui une curiosité rare dans l'histoire des armes françaises, témoin des tentatives de Saint-Étienne d'adapter son bullpup aux exigences d'une clientèle étrangère.

Un FAMAS pour l'entraînement
Ce FAMAS un peu particulier a été conçu pour un usage bien spécifique : l'entraînement. Il s'intègre au sein du système SITAL, un simulateur d'instruction technique aux armes légères. Modifié pour cet usage, le fusil est équipé d'un émetteur – probablement laser ou infrarouge – monté au-dessus du canon. Celui-ci est relié à un boîtier électronique qui communique avec un logiciel de simulation, projetant une cible via vidéoprojecteur afin de reproduire des conditions de tir réalistes.
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Il semble exister plusieurs variantes de ces FAMAS d'entraînement. Sur certains modèles, on peut observer des différences notables, tant au niveau de l'émetteur que des pictogrammes signalant la présence d'un laser. La connectique elle-même varie : alors que certains exemplaires disposent d'un branchement parfaitement intégré, celui que nous avons pu observer semble recourir à un câblage plus artisanal — incluant, détail insolite, un câble visiblement issu d'une ancienne console Super Nintendo.
Il est probable que ce modèle ait servi de prototype dans le cadre du développement initial du système SITAL.

Prototypes à canon long et en 7,62x51mm OTAN
Au fil des années, les ingénieurs de la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne ont développé une multitude de prototypes de FAMAS, dont plusieurs sont restés à l'état d'expérimentation. Parmi eux figure une version à canon long, conçue pour remplir un rôle de fusil de précision. Basée sur une plateforme de FAMAS G2, cette variante se distingue par un cache-flamme allongé et une poignée de transport modifiée pour permettre l'installation d'une optique. Cette version conserve néanmoins la capacité de tir en rafale ainsi qu'un nouveau bipied.

Autre projet ambitieux : le MAS 7.62, une tentative d'adapter le FAMAS à la cartouche OTAN de 7,62x51mm. Pour supporter cette munition nettement plus puissante que le 5,56x45 mm, l'arme a dû être profondément modifiée. Si elle reprend certains éléments du FAMAS F1, comme la poignée, une partie du garde-main et le bipied, elle se distingue par une culasse largement surdimensionnée pour gérer les contraintes de pression accrues. Ce prototype, impressionnant par sa taille et son poids, n'a toutefois jamais franchi le cap de la production, restant un exercice d'ingénierie sans suite concrète.
Conclusion
Après plus de quarante ans de service, le FAMAS tire sa révérence. De la version F1 à ses itérations plus modernes comme le G2 ou le FAMAS Valorisé, il aura équipé des générations de soldats français, participant à la modernisation de l'armée et à la transition vers une infanterie mieux équipée et plus mobile. Son architecture bullpup, atypique mais innovante, aura marqué l'histoire de l'armement individuel. Malheureusement ces armes vieillissent et la disparition de la Manufacture d'Armes de St-Etienne ayant fermée, il faut se tourner vers l'étranger pour trouver un remplaçant. 13 – Soldats du 152 RI utilisant le HK416F (photo France 3 Alsace) C'est dans ce contexte que le HK416F, produit par Heckler & Koch, a été choisi en 2017 pour remplacer progressivement le fusil d'assaut français. Plus modulaire et mieux adapté à l'intégration d'accessoires modernes, il répond aux standards actuels de l'infanterie tout en assurant une meilleure interopérabilité avec les alliés de la France. Si le FAMAS quitte la scène, il demeure une pièce maîtresse de l'histoire industrielle et militaire française. Son empreinte restera durablement ancrée dans la mémoire collective des forces armées et dans celle des passionnés d'armement.