Mag' Chasse

Les fabricants d'armes italiens sont incorrigibles. Ils se plaisent à se présenter volontiers légers, presque désinvoltes. Alors que le sérieux de leur travail pourrait souvent faire pâlir de jalousie les marques de pays considérés comme beaucoup plus stricts. Mais leur style flamboyant et leur maestria pour la finition se fourvoient souvent dans des excès, en ternissant l'image de leurs réalisations.

C'est le cas du superposé First en calibre 20, diffusé au tarif raisonnable de 1 680 €. Au premier regard il apparaît plutôt fluet, avec une sensation de fragilité, laissant même imaginer un assemblage approximatif. La réalité est toute autre, avec une bascule en acier remarquablement conçue, d'une solidité exceptionnelle. Un verrouillage, confié à une pièce inférieure massive large de 27 mm, manquant certes d'onctuosité mais à la vigueur convaincante. Une percussion un peu lente qui se rachète par une puissance magistrale. Et des éjecteurs à ressorts enthousiasmants de tonus… Mais avec à l'opposé une ligne d'ensemble harmonieuse gâchée par des contours de quadrillages alambiqués, de gros enroulement grisâtres qui alourdissent visuellement la bascule et une triste détente noire. Auxquels s'ajoute un noyer de crosse et de devant de piètre qualité un fusil de chasse calibre 20 se “vit” toutefois plus qu'il ne s'“observe”. Alors passons sans attendre à l'action.

La prise en main excelle sur le devant à extrémité “tulipe” comme sur la poignée pistolet de la crosse, dessinée à la manière de celle d'un fusil de tir de compétition. Le First 20, malgré son net déséquilibre vers l'avant (le point de “balance” se situe 18 mm devant l'axe de la bascule) et son poids élevé (2,820 kg), se place spontanément à l'épaule dans une position très efficiente. La bande de visée large de 7 mm, striée transversalement et terminée par un fin grain d'orge doré, guide bien l'œil du tireur. Les tubes de 71 cm, assez lourdement lestés à leur extrémité par les chokes interchangeables et l'épaisseur de métal qui les entoure, lancent efficacement le faisceau vers la cible. La détente unique sélective mécanique à la course un peu longue, l ibère en revanche la percussion avec franchise et netteté. Et celle-ci compense sa relative lenteur par une frappe énergique des amorces. Les tirs s'enchaînent vite grâce à la remarquable stabilité des canons, et au recul presque imperceptible avec les cartouches à grenaille de plomb et encore parfaitement prévenant avec celles à billes d'acier (pour lesquelles le First 20 bénéficie naturellement de l'épreuve spécifique). Les éjecteurs projettent les douilles vides à deux bons mètres.

La sûreté couplée au sélecteur de détente, placée sur la queue de la bascule, s'acquitte correctement de sa tâche. Les gerbes produites par les différents embouts affichent un groupement bien en rapport avec l'appellation de chacun d'entre eux et elles y ajoutent une régularité de bon aloi, en dépit d'un polissage intérieur des canons en retrait de leur état de surface extérieur. Cela cependant à la seule exception du plein-choke, probablement trop “serré” (rétrécissement de 0,9 mm) et peut-être aussi un peu court (51 mm). Qui engendre un groupement identique à celui du trois-quarts-choke avec les bourres à jupe et godet, et à peine supérieur à celui du demi-choke avec les bourres grasses. Le tout accompagné d'une régularité grandement perfectible. Surtout de nouveau avec les bourres grasses. La meilleure formule pour optimiser les portées efficaces est donc de préférer la configuration demi-choke et trois-quarts-choke. Ainsi gréé, le First 20 affiche des performances voisines de celle d'un 12. Son seul inconvénient significatif est qu'à l'usage le chasseur n'a pas la sensation d'utiliser un 20… mais justement un 12. La légèreté, la maniabilité, la vivacité habituelles aux armes de calibre 20 ne sont pas ressenties ici. L'aspect du 2 0 est bien présent. Les perceptions et l'émotion de ce calibre fi n sont absentes. Le fusil se montre agréable à utiliser, à manier. Il doit néanmoins, pour ne pas générer de déception, être appréhendé plus comme un 12 élégant, remarquablement conçu et fort honorablement assemblé, que comme un 20. En oubliant les promesses liées à son calibre, et en ne considérant que sa valeur d'usage et son prix. Le First possède alors tous les atouts pour satisfaire pleinement son possesseur durant de longues années. Grâce particulièrement à ses dimensions, à sa ligne, et au-delà encore à une fiabilité et à une endurance peu communes pour une arme de ce prix.