Mag' Chasse

Jusqu'à maintenant, le fusil semi-automatique turc « typique » était une copie d'un modèle italien des années 1970-1980, mécanisée et assemblée avec beaucoup d'approximation, médiocrement finie, affichée à tout au plus 650 €. Ce Phenoma ne se présente clairement pas comme un fusil turc... « typique », avec sa version singulière Realtree Max4, intégralement camouflée « marais ». Une variante « de saison » pour cet essai proche de l'ouverture du gibier d'eau.

Ce fusil semi-automatique calibre 12/76, bien sûr éprouvé « billes d'acier », adopte un canon de 76 cm idéal pour le tir des oiseaux à limite de portée, qu'ils soient posés ou en vol, doté d'un choke amovible intérieur long de 70 mm rarissime sur les productions de l'est de la Méditerranée. Son camouflage provient de la marque américaine Realtree, référence mondiale de la spécialité, qui équipe les armes des industriels les plus prestigieux de la planète.

Le dessin du Phenoma lui confère une harmonie visuelle et une ergonomie qui n'ont rien à envier aux productions signées Beretta, Browning ou Winchester. Son système de rechargement par emprunt de gaz, très proche de ce que proposaient il y a une décennie ces mêmes firmes, rassure par son inspiration puisée ainsi aux meilleures sources. Sa finition apparaît également d'excellent niveau, avec un toucher tout à fait agréable de son revêtement « camo ». Tout cela pour un prix contenu à 765 € environ. Soit plus que les réalisations turques « typiques », mais nettement moins que les modèles d'entrée de gamme des grandes griffes internationales. Or c'est sans aucun doute possible avec les seconds que rivalise cet Armsan. Ce que confirme le passage à l'action. Doté d'une formidable prise en main, le Phenoma ne constitue cependant pas un fusil de tir instinctif. Son long canon et son mécanisme à emprunt de gaz le déséquilibrent vers l'avant, le dotant d'un point de « balance » situé 18,5 cm devant sa détente. Il ne « pioche » pas pour autant, mais demande à être accompagné à l'épaule, contre laquelle il se place en revanche spontanément en position idéale. L'œil est conduit avec autorité vers la cible par la bande ventilée que prolonge à son arrière un rail surmontant la boîte de culasse, cette bande accueillant à son extrémité un fin guidon circulaire vert fluorescent très efficient par luminosité réduite. Par exemple pour la passée par temps brumeux ou chargé de nuages, ou pour le tir crépusculaire à la hutte. Cette bande de visée parfaitement droite, méticuleusement quadrillée et équipée d'un guidon impeccablement dans son axe, procède plus de la mécanique italienne fine que de la fabrication turque « typique ». Le boîtier de culasse en alliage léger du Phenoma est de surcroît fraisé d'une rampe facilitant le montage d'une lunette destinée au tir nocturne des oiseaux posés sur l'eau. La détente se révèle un peu floue et elle commande une percussion à la vivacité quelconque... mais à la puissance convaincante.

Les gerbes produites par les longs embouts amovibles intérieurs offrent une belle régularité, quels que soient la munition et le choke retenus. Nous avons tiré des cartouches à billes d'acier « haute performance » chargées à 32 g de grenaille et des magnum à 36 g. Puis des munitions à plombs chargées à 32 et 36 g de grenaille, et des magnum en contenant 50 g. Nous n'avons rencontré aucun incident de tir, confirmant ainsi la fiabilité du mécanisme de rechargement. Le recul, bien sûr tout à fait confortable avec les cartouches « plomb » à 32 et 36 g, demeure également prévenant avec les munitions « acier » à 32 g et réellement supportable avec les magnum, quelle qu'en soit la grenaille. Ce qui constitue une heureuse surprise avec un fusil ne pesant que 3,300 kg exactement, et dépourvu de coûteux dispositifs amortisseurs de recul. L'épaisse plaque de couche en matériau caoutchouté joue un rôle bénéfique dans cette pondération. C'est néanmoins la forte prédominance du poids du fusil vers l'avant qui contribue le plus à ce confort, en le faisant reculer « dans son axe ». La sûreté enfin, confiée à un classique poussoir transversal à section triangulaire positionné à l'arrière du pontet, s'acquitte scrupuleusement – mais fermement – de sa mission.

Globalement, le Phenoma Realtree Max4 s'affirme comme un bon fusil, très bon même, agréable à utiliser, et doté d'une ergonomie remarquable et de performances balistiques impressionnantes. Il y ajoute une personnalité séduisante, et il se montre rigoureusement fabriqué et fini.

Ce spécialiste de la chasse du gibier d'eau se comporte brillamment aussi pour le tir au poste des migrateurs terrestres, tels la palombe, la tourterelle ou la grive. En revanche bien sûr, il serait incongru de l'emmener à la bécasse ou même au faisan en terrain encombré. Au prix auquel le Phenoma Realtree Max4 est proposé, il faudrait être vraiment difficile, irascible même, pour oser demander plus. La signature Armsan devrait vite rencontrer un beau succès chez nous !